Savoirs migrants. Décoloniser la vision

04.11.21 - 06.11.21

Décoloniser la vision serait la rendre, l’intégrer au corps et aux autres sens, l’intégrer au lieu, à ses forces et à ses vides… la délivrer de la tyrannie du simplement optique pour l’ouvrir aux autres yeux du corps et de l’esprit, la rendre intégrale. Ouvrir également le dialogue avec ce pouvoir de vision que la culture dominante en Occident a exclu ou disséqué jusqu’à son extinction.

Toni Serra *) Abu Ali

La sélection de vidéos incluse dans le projet Sabers migrants propose des constructions alternatives de pensée, d’analyse et de réflexion sur les migrations, basées sur une pluralité de points de vue, d’expériences, de souvenirs et d’histoires qui convergent dans un programme de trois jours en personne et de deux semaines de menu en ligne, basé sur le médium audiovisuel, à travers la diffusion d’une sélection de vidéos provenant des Archives OVNI – Unidentified Video Observatory.

Face à la vision du multiculturalisme comme un espace prédéfini et convenu par le pouvoir, l’institution et la violence, « l’autre » est enfermé dans des parcelles, et l’échange de connaissances et d’expériences est de plus en plus nécessaire et urgent, ce qui envisage la transformation profonde des notions qui ont configuré le monde globalisé, en faisant une révision radicale des notions de temps, de travail, de culture, et la persistance d’un modèle unique avec sa dérive totalitaire. Initier un processus de décolonisation en déconstruisant et transformant les notions et les croyances qui ont façonné nos sociétés.

Le colonialisme moderne n’est pas seulement un phénomène historique, mais avant tout une attitude face à la vie et au monde. Un regard qui divise et sectionne les choses, un regard qui crée et projette l' »autre », et le contemple comme un espace à occuper, un territoire, une culture, voire un temps, à coloniser. Par sa nature même, il ne peut ni comprendre ni pratiquer une unité organique des choses, ni de l’existence, et encore moins de l’économie. Il exige en permanence « l’autre » au point de le couper de lui-même.

Dans le programme des vidéos sélectionnées, des résistances d’origines et de langues diverses se déploient face à l’imposition d’une pensée unique et hégémonique. Des histoires qui permettent de réfléchir, de construire d’autres mondes et de découvrir ceux qui existent, souvent cachés par des écrans d’ignorance et de préjugés, et par des images stéréotypées de « l’autre ».

La sélection des vidéos a été faite par Toni Cots. Le programme est organisé par Jiser et Archives OVNI et s’inscrit dans le cadre du processus de réflexion mené par le collectif Saberes migrantes.

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Jiser, qui signifie « pont » en arabe, est une association sans but lucratif basée à Barcelone, dont l’objectif est de promouvoir la création artistique et l’utilisation de l’art comme outil de transformation sociale dans l’espace euro-méditerranéen, par la réalisation d’activités conjointes favorisant l’échange et le rapprochement entre les différentes réalités artistiques et culturelles de la région.

Les Archives OVNI collectent et documentent trois décennies, de la vidéo analogique à la vidéo numérique à l’ère des réseaux « sociaux ». Les matériaux contenus dans les archives sont le résultat de divers projets de recherche thématiques, toute une constellation de titres ayant pour dénominateur commun leur libre expression et leur réflexion sur les peurs et les plaisirs individuels et collectifs, construisant ensemble une vision à multiples facettes, comme des milliers de petits yeux qui plongent et explorent notre monde, ou annoncent d’autres possibles. Un processus de recherche dont les principales valeurs sont l’hétérogénéité, la contradiction et la subjectivité à partir desquelles il est mené. En soi, un antidote au clonage et à la répétition à l’ère de l’hyperconnectivité.

Saberes migrantes est un collectif composé de militants, d’artistes et de chercheurs qui, à partir de lieux multiples, proposent une réflexion critique et collective sur la violence symbolique et institutionnelle qui affecte les migrants et/ou les personnes racisées. Elle propose de créer des lieux de rencontre qui rendent visibles et combattent les mécanismes qui légitiment l’exercice de cette violence et de construire des récits de résistance qui revendiquent le droit des migrants à avoir des droits. Ce processus se tisse en reliant les pratiques artistiques et réflexives, il est ouvert à la pluralité des histoires, il est flexible dans son parcours… et exige non seulement l’exercice de la conscience critique, mais aussi le développement d’actions transformatrices des situations de discrimination, de racisme et d’inégalité.

PREMIÈRE SÉANCE: VIOLENCES <> RÉSISTANCES
Jeudi, 4 novembre 18:30 – 21:00
Durée: 90 minutes + presentation et débat

London « I don’t call it rioting, I call it an insurrection »
BBC 2011. UK. vo Anglais. s Espagnol. 5Min.
Interview sur les événements de Londres en 2011, avec l’écrivain et voisin Darcus Howe : « Un peu de respect pour un vieil homme ‘noir’ afro-caribéen ! » « Non, ce ne sont pas des émeutes, c’est une insurrection, l’insurrection du peuple ! ».

Concerning Violence
Göran Hugo Olsson 2014. Suède, Danemark, Finlande, États-Unis. vo Anglais. s Espagnol. 85Min.
Un documentaire composé d’images d’archives des moments les plus audacieux de la lutte pour la libération du tiers-monde et, en même temps, une analyse des mécanismes de décolonisation à travers des fragments du livre Les damnés de la terre de Frantz Fanon.

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DEUXIÈME SÉANCE: VIOLENCES
Vendredi, novembre 18:30 – 21:00
Durée: 84 minutes + presentation et débat

Le problème algérien et l’economie française
Jean Pierre Gambarotta 2006. vo français. s espagnol. 5Min.
Rapport gouvernemental français expliquant les raisons pour lesquelles il était impossible d’accepter l’indépendance de l’Algérie.

Territoire Perdu
Pierre-Yves Vandeweed 2011. Belgique, Sahara occidental. VO arabe, S. catalan. 74Min.
Basé sur des histoires de fuite et d’exil, d’attente sans fin, de vies détenues et persécutées, venant des deux côtés du mur, Territoire perdu est un témoignage sur le peuple sahraoui, sur son territoire, sur son enfermement dans les rêves des uns et des autres.

Lettre à la Republique
Kerry James, 2012. França. vo Francès. s Castellà. 5Min.
Lettre à la République, à tous ces racistes à la tolérance hypocrite qui ont bâti leur nation sur le sang, et se prétendent maintenant moralistes.

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TROISIÈME SÉANCE: RÉSISTANCES
Samedi, 6 novembre 16:30 – 19:00
Durée: 81 minutes + presentation et débat

Cuentos Africanos
Mar Pravia – 2004. Espagne. vo Castellano. 13Min.
Sous couvert d’un conte de tradition orale africaine, un conteur sénégalais nous raconte, non pas des légendes ou des fables fantastiques, mais sa propre vie.

Anya, Straight Stories, Part 2
Bouchra Khalili 2008. France. vo arabe. s anglais. 11Min.
Anya présente une double trajectoire. D’une part, une exploration de la frontière imaginaire formée par le Bosphore, et d’autre part, le discours hors-champ d’une jeune femme irakienne qui attend un visa pour l’Australie depuis 12 ans.

La Meute
Global Project, Radio Sherwood, Regarde à Vue, Radio Fréquence Paris Plurielle, Le Mouvement de l’Immigration et des Banlieues 2007. France. vo Français. s Anglais. 13Min.
Témoignages parallèles de Youssoupha, un artiste rap et de Thomas. Evocation du rap comme objet de censure, souvent criminalisé par les gouvernements successifs, et comme arme de lutte politique, loin des clichés du rap commercial.

Ahir/Demà
Raul Riebenbauer 2018. Espagne. vo valencien/espagnol/arabe. s valencien + arabe. 44Min.
Quatorze jeunes Marocains récemment arrivés dans un foyer pour mineurs en Espagne acceptent de participer à un atelier de théâtre. C’est la mince ligne qui sépare leur passé récent de leur avenir incertain. Qu’est-ce que le théâtre sinon une expérience complète du présent ?